Un exceptionnel carnet de maladresse (Décembre 2021)
Nous y voilà ! Désormais, le Directeur Général indisponible semble faire écrire sa propre légende dorée. Au détour des articles parus notamment dans « Télérama » ou « Le Monde », apparaît ainsi l’histoire « sainte » d’un patron, certes un peu dur, mais brillant, au carnet d’adresses exceptionnel ayant sorti la SACEM de sa sombre obscurité en l’entraînant dans des résultats économiques mirobolants et en redorant une image devenue flamboyante. Finalement, quelques ingrats jaloux lui ont reproché d’être un vrai patron, car il savait trancher dans les effectifs. Cette ingratitude mal placée lui a valu un « épuisement » et de multiples Brutus ont profité de sa faiblesse temporaire pour organiser un coup d’état en bonne et due forme.
On l’aura compris par le ton de ce préambule, nous pensons que la Vérité n’a pas grand-chose à voir avec cette reconstitution historique que seuls quelques esprits naïfs pourront prendre pour argent comptant.
Rappelons tout d’abord que Jean-Noël TRONC est l’exemple le plus pur de ces élites consanguines grenouillant dans le public, le parapublic, le para-privé, le privé, alternant les passerelles et les « intérêts convergents ». Rappelons ainsi que ce conseiller du Premier Ministre Jospin, spécialisé dans les questions de télécommunications s’est retrouvé (un hasard sans doute) parmi les dirigeants de France Telecom en 2002. Rappelons qu’il dirigea Orange France à une époque bien particulière (le milieu des années 2000), celle qui a fait la une de l’actualité pour les raisons que l’on sait. C’est soi-disant pour protester contre ces raisons, qu’avec son ami Patrick FONTANA, dont l’empathie pour les questions humaines fut la principale marque de fabrique comme tout le monde l’a noté, il quitta Orange. Rappelons qu’il fut « remercié » deux ans plus tard de Canal Overseas, filiale de Canal + qu’il avait rejoint et dont il avait pris la direction. Les raisons apparentes de ce remerciement ? On peut les trouver sur internet et elles ne sont pas vraiment à la gloire de l’individu.
A sa prise de fonction en 2012, Jean-Noël TRONC arrivait dans une entreprise solide et efficace. Les résultats de la SACEM étaient positifs sans discontinuer depuis des décennies. Certes, son prédécesseur Bernard MIYET était en fin de règne, confronté à des difficultés importantes : le projet SE-LECT dans le réseau (mais dont le déploiement venait finalement d’être opéré), des grognes de diffuseurs un peu récurrentes (mais toujours circonscrites), la question du piratage et de l’internet (mais des premiers accords importants venaient d’être signés). Surtout, il n’avait pas réussi à vaincre la problématique des féodalités dans le fonctionnement interne de l’entreprise et avait bien du mal à s’imposer dans un Directoire ressemblant souvent à une pétaudière. Pour autant, ce diplomate affable, arrivé seul dans l’entreprise et s’appuyant sur l’existant, avait engagé une réduction sensible des effectifs (-10% en 10 ans) en maintenant les équilibres fondamentaux. Il avait su aussi co-construire un dialogue social, devenu chaque année, malgré les tensions, un peu plus respectueux et efficace.
Bref, si un changement semblait en effet salutaire, l’entreprise était bien loin de la « belle endormie » décrite avec un certain mépris et les salariés demeuraient motivés et concernés dans un contexte de développement progressif de dialogue, de liberté d’expression et d’initiatives.
Dès son arrivée, le nouveau monarque s’empressa de dégager en quelques mois la totalité du Directoire. Puis, il convoqua quelques « Condottiere » venus d’ailleurs pour imposer sa marque et ainsi profondément bousculer l’entreprise. Sans doute, grand lecteur de Machiavel, Jean-Noël Tronc déclina à partir de là tous les chapitres du « Prince » du même auteur pour imposer un fonctionnement purement vertical et instituer un pouvoir sans limites en interne.
Alors ce bilan parlons-en !
Si les résultats économiques ont connu une accélération dans la décennie écoulée, ce n’est pas grâce à la stratégie affichée par M. TRONC en 2014. Celui-ci prévoyait une croissance molle de 1% par an pour la période 2014 à 2020. Les collectes auront finalement progressé de 30% ! Mieux, la collecte 2020, malgré la crise COVID, est supérieure aux projections établies en 2015. La stratégie de Jean-Noël TRONC était principalement orientée vers la baisse des charges, le seul indicateur sur lequel il était certain de pouvoir agir. Un grand chef d’entreprise ? Plutôt un gestionnaire sans imagination et sans aucune compétence pour le vrai leadership d’équipes expérimentées ! Les excellents résultats reviennent à l’engagement des équipes.
L’image de l’entreprise s’est améliorée ? Peut-être mais est-ce forcément le fait de l’action du directeur général, lequel, par son arrogance, exaspérait nombre de nos interlocuteurs (les témoignages en ce sens affluent) ? La SACEM replacée au centre de la filière ? Sans aucun doute mais finalement, pour quels bénéfices dans un contexte où le Centre National de la Musique occupe désormais ce créneau ? Voilà pour l’actif.
Venons-en au passif !
Tout d’abord, constatons l’incessante valse des cadres, pour des raisons diverses et mystérieuses. Cette valse a concerné aussi bien des dirigeants du COMEX que des cadres subalternes à qui on avait sans doute promis monts et merveilles. Qu’en reste-t-il ? Un sentiment de malaise, des perturbations dans les services.
Dans ce turnover, le plus grave est l’accumulation des directeurs de l’informatique : 4 en 8 ans ! Chacun s’empressant de démolir ce qu’avait fait le prédécesseur. Sur un sujet aussi stratégique, cette instabilité constitue une grave faute de management car les conséquences sont redoutables et constituent peut-être la faiblesse principale de la SACEM aujourd’hui.
Le grand échec de Jean-Noël TRONC est aussi celui de la non-rencontre avec le Réseau régional. Celui-ci ne lui a jamais pardonné l’épisode Fontana. Mais le directeur général n’a jamais rien fait pour comprendre ne serait-ce qu’un peu les ressorts de cette épine dorsale de l’entreprise. Chacun de ses pseudos rendez-vous avec le réseau renforçait un peu plus l’hostilité tant le comportement de M. TRONC indisposait avec ses monologues prétentieux et interminables.
A ce titre, les ruptures ou quasi ruptures avec la SACD et la SPRE ont profondément dégradé les conditions d’exercice du réseau et de son management. Il n’est pas très compliqué d’attribuer cette détérioration gravissime aux emportements de M. TRONC.
Et que dire de cette image véhiculée à l’extérieur par M. TRONC, celle d’une Sacem « coopérative service », alors que, dans le même temps, en interne, toute démarche R.S.E. était balayée par le même Jean-Noël TRONC ? Les actions en direction d’un vrai développement durable ont été absentes de ses préoccupations. En cela, la SACEM est complètement à contre-courant des tendances de sa filière économique.
Quant au dialogue social, il n’a cessé de perdre de sa qualité et nous avons trop souvent l’impression d’un retour en arrière de plusieurs décennies.
Enfin, nous rejetons cette idée que Jean-Noël Tronc aurait été écarté pour avoir lancé un plan de Rupture Conventionnelle Collective et de suppression d’emplois. Nous sommes bien placés pour savoir que la demande vient du Conseil d’Administration. Les organisations syndicales dans ce contexte, en responsabilité, ont participé activement à la négociation, et elles ont toutes signé. La démotivation de nombre de collègues désireux de profiter de l’opportunité était aussi un bon indicateur des résultats calamiteux de la gestion Tronc sur le moral des salariés. En revanche, ce que nous avons noté pour notre part, c’est le manque d’ambition du plan d’embauche et la difficulté que nous pourrions rencontrer à le faire respecter.
Mais soyons très clairs : le pire des bilans de l’ère TRONC, ce que nous retenons avant tout aujourd’hui, c’est la situation actuelle de la très grande majorité des salariés de l’entreprise : résignation, démotivation, colère, instabilités d’humeur, absences de perspectives positives ; tous les symptômes d’une dépression. Si une crise d’épuisement est visible, c’est bien celle des salariés de la SACEM. Cela, clairement, est le bilan tangible attribuable au seul Jean-Noël Tronc.
Ce bilan-là n’est pas brillant, contrairement au personnage décrit dans « Le Monde » et, face à cet implacable constat, cela nous fait une belle jambe que le Directeur général indisponible ait eu un exceptionnel carnet d’adresses.