Les salariés, la 1ère roue de la charrette et la 5ème du carrosse (Juin 2021)

La communication des chiffres 2020, analysés par le cabinet Syndex qui accompagne le C.S.E., a révélé bien des surprises.

 1)   Tout d’abord, la Sacem a finalement enregistré pour 2020 un recul de 12% des collectes, le poids de collectes online ayant compensé en partie la baisse des droits généraux. C’est un résultat finalement honorable dans un tel contexte et les salariés de l’entreprise auraient sans doute apprécié qu’on le leur dise un peu plus clairement.

2)   Plus surprenant encore, la Sacem a réalisé 26 M€ d’économies contre 12 M€ initialement prévus dans le dernier budget révisé au printemps 2020 ! Sans surprise, pour l’essentiel, ces économies ont été enregistrées sur les charges de personnel : gel des embauches, gel des augmentations, mesures de chômage partiel associées à des baisses de salaires et aux aides de l’état. L’effort des salariés a été exceptionnel avec un sens de la solidarité vis-à-vis de l’entreprise et des auteurs qui, là non plus, n’a pas été reconnu comme il se devait dans les mots comme dans les actes.

Pour autant, le compte de gestion 2020 de l’entreprise est très impacté par la provision des coûts de la RCC et de la mise au rebut d’investissements informatiques. Le déficit du compte de gestion est aussi aggravé par la dégradation du volume des collectes droits généraux, occasionnant une baisse des retenues sur droits, principale ressource du compte de gestion. A cela s’ajoutent malheureusement la baisse structurelle des irrépartissables et la baisse des produits financiers.

Dans ces conditions, le financement du compte de gestion est arrivé à ses limites, le modèle économique est pris en tenaille quand bien même le volume des collectes ne cesserait de croître. La crise Covid-19 montre la fragilité du modèle.

Pour faire face, nos dirigeants s’apprêtent à déployer un plan de transformation, dont l’objectif est de résorber le déficit structurel à horizon 2025, par des économies à hauteur de 150 M€ sur 5 ans. Près de la moitié des économies attendues porteraient sur les frais de personnel ! L’ampleur des économies attendues pose la question du périmètre des activités conservées, des activités arrêtées ou externalisées et de la faisabilité des gains de productivité à réaliser au regard des nouvelles organisations, des nouveaux process envisagés et des outils informatiques déployés. Sur tous ces points, le mystère et l’ambiguïté prévalent à ce jour. Mais, plus grave, la réalisation de l’autre moitié des économies semble encore beaucoup plus nébuleuse et incertaine.

A ce stade, la seule ambition concrète et visible du plan de transformation se résume donc à un plan d’économies de nos moyens visant prioritairement la masse salariale. Il est désormais urgent d’ajouter d’autres ingrédients et d’afficher des ambitions qui associent pleinement les salariés, lesquels ont, rappelons-le encore, montré leur capacité d’adaptation et d’implication. Face à cet effort des salariés, nous considérons que l’entreprise a l’obligation de s’adapter au contexte et de porter un projet collectif rassemblant sociétaires et salariés dans un même combat mené au profit de la gestion collective.

 Obtenir une vraie adhésion des salariés nécessitera de :

– traiter au fond le sujet de l’obsolescence du compte de gestion, sans compter sur les seules économies de frais de personnel et la « providence » pour parvenir à l’équilibre. Les pistes : ressources supplémentaires, économies d’échelles au moyen de partenariats (URIGHT, sociétés sœurs étrangères, O.G.C. Françaises…),  

– porter un projet général plus large qui fasse sens et s’appuie sur d’autres piliers, comme le développement durable, la représentation des salariés dans les organes de Direction, la féminisation des instances dirigeantes, le partage et la solidarité entre les acteurs … Bref de porter une politique R.S.E. ambitieuse.

Et puis, il y a la méthode…

Aujourd’hui comme hier et avant-hier, et malgré les discours ronflants qui prétendent le contraire, la machine SACEM est toute en verticalité et en silos. Nos décideurs, entourés de consultants sorciers qui savent tout mieux que tout le monde mais plusieurs années après tout le monde, sont souvent en mode tour d’ivoire. Or, ils n’ont plus le choix. Il leur faudra porter un projet construit de manière participative, transparente, s’appuyant sur la confiance, et en particulier celle des encadrants de proximité. Il va falloir faire fonctionner un collectif de travail avec des salariés dont le rapport au travail a changé en très peu de temps. La crise COVID entraîne fatalement le retour de la question du collectif.

Si les salariés, attachés à leur entreprise, veulent bien encore se retrousser les manches dans la tempête, ils ont par ailleurs développé leurs exigences quant aux conditions de leur mobilisation. Ils ne veulent plus de ces concertations molles. S’ils acceptent des sacrifices, ils entendent bien ne pas en porter seuls la charge. Mais surtout, ils ont besoin d’une vision concrète qu’ils comprennent et d’un cap clair défini au plus vite, dont les contours ne soient pas seulement les fruits des réflexions de comptables et de consultants.