La tête coinçée dans l’étau (Septembre 2020)
Si les salariés ont la tête dans l’étau, coincés entre un risque sanitaire et une crise économique, nos patrons ont eux la tête dans les taux et plus particulièrement le taux de gestion. Taux qu’ils espèrent finalement pas trop dégradé pour 2020, 2021.
Pour mémoire, le taux de gestion, calculé en divisant le total charge par le total collecte, simple et basique comme dirait OrelSan, est passé de 16,5% en 2014 à 13,5% en 2019. En 2020, compte tenu de la baisse des collectes liée à la crise sanitaire, contrebalancée par la baisse des charges et les aides de l’état du fait de mesures de mise en chômage partiel, le taux de gestion devrait osciller entre 15 et 16%. Même revenu à son niveau de 2014, ce serait toujours moins qu’au cours des 2 décennies précédentes.
Nous posons la question, quel est le « bon » taux de gestion ? Si la réponse est « le plus bas possible », simple et basique, nous ferons une réponse tout aussi simple et basique, le taux 0 est accessible sans aucun effort car, bien évidemment, la question du taux est à rapprocher des missions !
Pour aider à répondre à cette question, nous avons relevé quelques éléments de comparaison : les frais de gestion des mutuelles santé se situent autour des 20%, ceux des organismes caritatifs autour des 18%, le taux de commissionnement de booking auprès des hôteliers est de 17%. Pourquoi faire nous direz-vous ? Les lits, les petits dej…, que nenni, la simple mise en relation, 17% ! Le conflit entre Epic Game et Apple met en évidence un taux de commissionnement à 30% sur les transactions réalisées au sein des applications IOS, 30% !
Cerise sur le gâteau, Jamendo nous annonce sur son site que « pour chaque achat de licence, l’auteur reçoit une part équitable du prix que vous payez, jusqu’à 60 % du prix de la licence ». Faut-il en conclure que le taux de gestion est de 40 % et plus ! Probablement. À la Sacem, en 2019, le taux de gestion était de 13,5%. Un record déjà lointain suite aux crises liées au covid 19. Si la perte de collecte en 2020 se situe bien autour des 200 millions d’euros, alors nous reviendrions à un montant collecté proche de celui de 2015 avec un taux de gestion inférieur à 2015 du fait des mesures exceptionnelles d ‘économies et des mesures d’aides de l’état dont a pu bénéficier la Sacem jusqu’à présent.
La question du « bon » taux de gestion pour les années suivantes est complexe. Nous le savons tous, l’énergie déployée pour collecter les droits n’est pas proportionnelle aux montants et dépend pour beaucoup du consentement à payer, de la situation économique. Dans ces conditions, s’arc-bouter sur un taux à 14% pour les prochaines années sans abandonner des misions, des collectes, serait selon nous une illusion.
Mais peut être y a-t-il ci et là la volonté d’abandonner des missions. Lesquelles ? La finesse de répartition ou des droits généraux trop onéreux à collecter par exemple. Avec l’épineuse question du taux de gestion se posent celles, du financement du compte de gestion, de la spécificité des sociétés de gestion collective normalement en capacité de collecter tous les droits de toutes et tous, de la finesse de répartition, des clés de répartition entre Auteurs, Compositeurs et Editeurs. Les crises que nous traversons interrogent le modèle de la gestion collective.
De notre côté nous maintenons ce que nous écrivions en juin : il conviendrait de repenser la stratégie d’entreprise, de la bâtir autour d’éléments permettant de fédérer les énergies, d’unifier les acteurs, de redonner un sens commun. Nous ne sommes pas dans la situation de l’automobile, victime de ses choix passés et de la crise actuelle, notre modèle est robuste. Nous voulons croire que dans nos vies retrouvées il y aura un recentrage sur des sujets essentiels, comme la santé, l’alimentation, l’éducation, l’environnement, la culture. La musique a existé dans toutes les sociétés humaines, elle est un ciment social . De notre point de vue le plan d’économies annoncé pour 2020 devrait être suivi d’un plan de relance afin de consolider les collectes, améliorer les services à nos membres. Selon nous, la question n’est pas de savoir si la musique va survivre au covid 19 mais comment la faire vivre encore mieux après, avec et pour toutes et tous.