Accessoire (Juillet 2021)
Tous les salariés ont reçu le document «essentiel 2023», le plan de transformation pour le développement de la Sacem. L’avons-nous pour autant tous lu? Pas de panique, ACTU vous propose un résumé, soit: l’essentiel du contenu et aussi l’accessoire, tout ce qui manque.
L’essentiel du contenu: la mission. Nous la connaissons tous, une interrogation ancienne, 170 ans, comment mieux servir et accompagner nos sociétaires ? La réponse à la question varie selon les époques, en fonction des usages, des évolutions législatives, des technologies, des organisations, des moyens humains et financiers accordés aux métiers pour réaliser les missions, lesquelles sont prioritairement axées autour de la collecte et de la répartition. «Ce qui fut, cela sera ; ce qui s’est fait se refera, sous le soleil rien de nouveau» pourrions-nous dire.
Loupé, du nouveau il y en a, 2021/2025 ressemblera à la période 2014/2020 mais en accéléré. Nous allons faire plus, beaucoup plus qu’avant avec encore moins, bien moins de ressources humaines et financières. Plus de services aux sociétaires, aux clients et on livrera des pizzas le soir s’il le faut. Plus de collectes, bien plus. Une meilleure répartition, plus d’international, plus de proximité, plus de modernité… «Pour un modèle plus innovant, plus efficient, plus performant». Plus de relation client, plus de rôle d’acteur culturel local… Plus de qualités à la répartition, comment ? on ne sait pas. Par contre, il y aura moins de salariés pour traiter les réclamations! Ajoutons à cela plus de contrôle qualité, de conformité… n’en jetez plus !
Le document est une accumulation d’intentions louables mais déconnectées des salariés, de notre réalité. De la poudre aux yeux, un programme tout en promesses. Et si vous en doutiez, penchez-vous sur cette intention pour la DSI «Internaliser et recruter près de 100 personnes». L’idée de l’internalisation date de 2018, la promesse était de 60 emplois supplémentaires, le solde net entre départs et entrées dépasse difficilement les 10 ETP à fin 2020 !
Notre réalité est autre, non-dite dans le document «essentiel2023», donc accessoire. Ce sont surtout les conséquences d’un plan d’économies structurelles mis en place afin de palier le financement baroque du compte de gestion. La Sacem a réalisé 25 M€ d’économies en 2020, «supportées par la société» selon les mots de Jean-Noël TRONC. Lorsque l’on sait que dans les entreprises de service, au moins 2/3 des charges sont des charges de personnel, les économies ne sont pas supportées par la société mais par les salariés. Et ça va continuer puisqu’il faut trouver 150 M€ d’économies en 5 ans.
Loin d’assumer la contraction des moyens en réduisant les missions, nos dirigeants affichent des ambitions démesurées. Imaginez le restaurateur qui réduirait ses équipes et dans le même temps leur annoncerait qu’il va augmenter le nombre de couverts, la qualité de service, la qualité des plats.
Autre conséquence, accessoire, l’absence de gains de productivité par l’automatisation livrée aux machines. Pire, pour le réseau, industrie de main d’œuvre par excellence, le plus touché par la réduction des effectifs, les outils informatiques annoncés obsolètes par nos dirigeants en 2017 ne seront pas remplacés avant 2025, 2030, jamais ? La cause? Le gel des investissements informatiques, l’abandon du projet Salesforce. Accessoires également, les blocages, pannes, disfonctionnements des outils informatiques.
Accessoires, les sociétaires ou clients diffuseurs auxquels nous n’avons pas le temps de répondre? Accessoires, les anomalies portail remontées par de nombreux utilisateurs?
Accessoire, toujours, l’absence de comptabilité analytique. Cela permet au gérant d’affirmer haut et fort que le réseau coûte cher. Peut-il le prouver sans cet outil d’analyse ? Oui et non. Oui, par approche, en mélangeant des choux et des carottes, en ne s’en tenant qu’aux charges de personnel au regard de la collecte en feignant d’ignorer toutes les autres missions. Non, parce qu’il ne dispose d’aucun chiffre précis. Une politique du doigt mouillé qui arrange et permet de moduler les discours à l’envie, mais ne nous rassure en rien quant à la pertinence des décisions prises.
Accessoires, le sens et les valeurs tant interrogées par les salariés de l’entreprise. Une démarche R.S.E. devrait être la colonne vertébrale de cette transformation. La réponse à cette attente est dans ce nouveau service créé pour accompagner la transformation: le «service de la stratégie financière». Fermez le ban, la messe est dite.
Notre question ancienne demeure : pouvons-nous sérieusement nous identifier coopérative service sans appartenance claire au secteur Entreprise Responsable de l’Economie Sociale et Solidaire?
Accessoire également, le développement durable, un silence assourdissant, pas l’ombre d’une idée, la Sacem est étanche à ce sujet. Bien sûr, il ne faut pas opposer la culture et le développement durable, de là à piétiner ce dernier, c’est un pas que bien d’autres n’auraient pas osé.
Les risques que nous entrevoyons de plus en plus clairement sont, dans un contexte de tension extrême de la charge de travail, de voir partir les plus employables d’entre nous (les départs au DDPN, à la DRH montrent que le risque est réel) pour des horizons plus épanouissants, de peiner à faire entrer de nouveaux talents (à la DSI par exemple) et de voir ceux qui resteront pour partie épuisés, démotivés.
Le document si essentiel est peut-être la 1ère pierre d’une injonction contradictoire majeure face à laquelle les conférences sur le bien-être feront figure de sparadrap sur une jambe de bois, une injonction au bonheur difficilement supportable.