C’est flou comme c’est clair (Décembre 2020)

Jean-Noël TRONC décrit dans les médias une situation partielle, incomplète. Un exercice de funambulisme,  entre omissions et parfois contradictions. Quand c’est flou, c’est qu’il a y un loup. Que dit-il ?

            « 200 millions d’euros en moins pour les auteurs et compositeurs en 2020. Nous anticipons la perte totale des droits d’auteurs payés par la Sacem en 2021 à plus de 200 millions ».

Complétons : les perspectives de collectes faites par lui-même, en 2015, étaient : pour 2016 – 854 M€,  2017 – 849 M€, 2018 – 851 M€, 2019 – 854 M€ et 863 M€ pour 2020. Le réalisé est incroyablement meilleur : 950 M€ en 2016, 970 M€ en 2017, 1067 M€ en 2018, 1119 en 2019 et probablement 930 M€ en 2020.  Dans le même temps, la perspective emploi associée à cette stratégie de faible croissance, pour la période 2016 à 2020, était de 1300 ETP en cible, le réalisé à fin 2020 devrait être de 1310. Le total collecté en 2020 sera supérieur aux projections faites en 2015 et sera proche du total collecté en 2018. Le total charge sera celui de 2014 ou 2015, grâce au plan d’économies conjoncturelles, aux aides de l’état (mise en place du chômage partiel).

La structure de la collecte, compte tenu des variations de taux de prélèvement, ampute le compte de gestion. Ceci dit, au cours de ces 5 exercices, la Sacem a encaissé  et réparti 700 M€ de collectes de plus que prévu et traité un volume de données en constante progression !

C’est un éclairage complémentaire dans la crise que nous traversons. Cet éclairage met en avant le travail des équipes sur la période passée, la capacité à faire et produire de l’entreprise, notre incroyable énergie au service des créateurs. Restons forts ensemble.

« il s’agit désormais de faire des sacrifices pour être encore plus agile au moment où cette crise épouvantable va prendre fin et continuer à développer la gestion collective”.

La réponse de Jean-Noël TRONC à lui-même, l’aveu aux salariés : « À l’horizon 2025, l’hypothèse des pertes cumulées du compte de gestion de la Sacem approche les 150 millions d’euros. Or, l’effet de la crise du COVID est estimé entre 40 et 50 millions d’euros. Le reste des pertes est dû à la baisse des revenus générés par les produits financiers, les irrépartissables et la croissance des collectes online accompagnée de la baisse des collectes plus rentables.». Donc 1/4  la faute de la covid.

Dans un moment pareil, pour une société comme la nôtre… l’instinct de survie prime et nous sommes d’abord là pour défendre ceux qui sont faibles, les créateurs ».

Notre réponse : l’instinct de survie alors que la collecte 2020 sera supérieure aux prévisions faites en 2015, l’instinct de survie alors que la Sacem annonce des plans d’aide à ses clients diffuseurs, le propos est démesuré. Dans pareille situation, un autre aurait dit  « battons-nous ensemble, faisons corps » plutôt que « les femmes et les enfants d’abord. » Si le bateau coule, dites-le.

« L’instinct de survie »  aurait pu conduire nos dirigeants à la négociation d’un dispositif dit d’Activité Partielle de Longue Durée. Dispositif permettant à une entreprise confrontée à une réduction durable de son activité, mais dont la pérennité n’est pas menacée, de diminuer l’horaire de travail et de recevoir une allocation en contrepartie d’engagements en matière de maintien dans l’emploi. Malheureusement, le problème principal de l’entreprise ce n’est pas la Covid, c’est le financement du compte de gestion. Dans ces conditions, le maintien de l’emploi n’est pas la solution mais le problème. 

Relevons que, dans le propos, Jean-Noël TRONC oppose de faibles créateurs à, sous-entendu, des salariés bien mieux lotis. Mais, il est déchiré et il le dit, « C’est un crève-cœur de devoir faire des sacrifices, mais nous devons les faire pour être plus forts pour défendre les gens pour qui nous nous battons ». Après un plan d’aide aux sociétaires, un plan d’aide de relance aux clients diffuseurs, le plan d’aide aux salariés sera donc une aide au départ.

En contestant une stratégie de forte réduction des effectifs, nous défendons les salariés qui resteront dans l’entreprise et feront face à plusieurs risques dont : l’industrialisation d’une injonction contradictoire majeure : plus plus moins moins. Plus de collectes, plus de données à traiter et moins de salariés, moins de salaires. Autre risque majeur, le conflit éthique ou conflit de valeur. Faute de moyens, les salariés assisteront impuissants à une amplification des iniquités de traitement, d’abord entre clients diffuseurs, puis entre sociétaires.

Préserver les moyens de faire son travail, c’est aussi assurer le maintien de la finesse de répartition,  c’est assurer des pans de petites ou moyennes collectes. C’est aussi défendre pour demain les intérêts des petits et moyens sociétaires.

Nous reprenons ici l’appel des collaborateurs de Radio France  « Faire plus avec moins ne marche ni à l’hôpital, ni à l’école, ni dans les transports, ni à l’université, ni dans les lieux d’art, etc. Pourquoi cela marcherait-il à la radio ? » Ou à la Sacem ? « et pour s’en persuader, il suffit d’observer la crise de notre système de santé, c’est malheureusement du direct. » Dans ce contexte, le plan d’embauche qui sera accolé au plan de départ est un élément central pour l’avenir.  Le bilan des destructions doit s’équilibrer avec celui des créations.